Retour sur le festival Numérique En Lumière

L’équipe d’InfraBasse était présente au festival Numérique En Lumière organisé par l’association Point de Mir.

Un festival à destination du grand public pour sensibiliser au coûts cachés (notamment concernant les droits humains) du numérique à travers les arts.

C’était 2 jours denses, avec beaucoup de documentaires, chacun avec un focus particulier sur le cycle de vie des outils numériques, des interventions de spécialistes et un spectacle humoristique.

Voilà une prise de notes rapide sur les réflexions liés à ces différentes oeuvres.

Le sang et la boue

Un film très estétique qui suit 2 creuseurs, mineurs artisanaux, qui extraient le coltan en RDC. La RDC fournit 80% du coltan mondial, dont les cours sont fixés à Londres en déconnexion total avec la réalité de son extraction. L’extractivisme montré à l’écran peut faire penser à l’exploitation minière qui avait lieu en occident au début de l’industrialisation. La différence essentiel se situe sur l’absence d’organisation (syndicats) et d’infrastructure (Institut Général des Carrières ?), qui pourraient permettre de meilleures conditions de travail et de vie. L’instabilité politique, orchestrée par les multinationales qui profitent de cette extraction, rend impossible la sortie de cette précarité Le film se termine en indiquant que la région filmée est dépuis contrôlée par le M23.

Les sacrifiés de l’IA

Un film interrogeant des data worker, les travailleur.euse qui travaillent à l’enrichissement des jeux de données pour nourrir les algorithme d’intelligence artificielle. Ces algorithmes doivent savoir reconnaître des entités dans des images, des entités dans des phrases, mais ne sont pas capable d’apprendre seul (contrairement à ce qui est laissé croire). Le principal travail d’annotation de jeux de données consiste aujourd’hui en l’annotation de contenu moralement innacceptable pour que l’algorithme devienne capable de distinguer entre le moralement inacceptable et l’acceptable.

Les data worker se retrouve à travailler de longues heures devant leur écran (10-12h par jours) pour des salaires allant de 9$ par jour à 10$ par semaine (on imagine selon les zones géorgraphiques où les workers se situent). Ils sont parfois embauchés directement par les multinationnales, soit par des sous-traitant, et travaillent dans des locaux ou chez eux. Toujours ils ont du signer des conditions de confidentialité, et une obligation de ne pas rentrer en contact avec des collègues.

Ici aussi on cherche à empêcher l’organisation collective. C’est toujours l’impact sur leur santé mentale (PTSD, isolement, anxièté, dépression, phobie de la foule …) qui pousse les personnes à quitter leur job.

Dans ce film, on nomme l’origine du problème : les multinationnales qui connaissent très bien les dégats humains liés à la production de leurs produits dans le sud global. Mais les responsable le nient, et pire, empêchent leurs travailleur.euses de dire la vérité. L’organisation même des chaîne de production s’appuient d’ailleurs spécifiquement sur la misère où qu’elle soit (les personne du sud global ou les migrants et les précaires dans le nord).

Des employées de l’OIT discutent de ce problème. Elles pensent qu’il n’est pas possible de faire de la technologie sans impact sur les droits humains, la question à se poser est donc de savoir où on met la limite de ce qu’on trouve acceptable ou pas.

Le film discute des notions de transhumanisme, extropianisme, singularitarisme, cosmisme, rationalisme, alltruisme efficace et long-termisme (regroupé sous l’acronyme TESCREAL). 7 notions qui permettent d’expliquer pourquoi les tech-bros (les patrons de ces multinationales égémoniques du numériques et notamment de l’IA) assument totalement la mort et la souffrance des millions de personnes des pays du sud global. Leur justification c’est qu’on peut bien anihiler ces personnes car l’objectif final est supérieur et le nécessite : faire émerger l’IA générale utopique et salvatrice.

À InfraBasse, on préfère parler d'apprentissage machine que d'intelligence artificielle, pour ne pas tomber dans la croyance que les machines font preuve d'une intelligence comparable à celle du vivant.

Forged In Silence - Death by Design - Apple Trillion Dollars Betrayal - Behind the screen

  • Les conditions d’un travailleur chinois dans les usines d’extraction du nickel en Indonésie (Indonesia Morowali Industrial Park (IMIP)) : rétention illégale de papiers d’identités, sanctions prélevées sur le salaire, congés interdits, mauvais traitements, démissions rendues impossibles absence de surveillance des systèmes d’aération, explosions …
  • Interview d’un responsable de China Labour Watch. Le modèle marketing d’Apple fait d’annonce d’un produit et de sa vente sur une très courte période qui suit implique des conditions de travail inhumaines sur les chaines de production : beaucoup d’heures de travail sur une période très courte. Focus sur FoxConn
  • Les procès contre Apple dans les années 90 : utilisations de produits chimiques dans les chaînes de productions des outils numériques qui ont mené à de nombreuses maladies. Des produits connus depuis longtemps comme étant dangereux.
  • Parallèle entre les data workers/modérateurs qui nettoient le contenu d’internet et les personnes qui viennent trouver de quoi vivre sur les décharges à ciel ouvert de produits venant d’ailleurs dans les pays du sud.

Noces de cristal - Comment épouser un miliardaire ?* Audrey Vernon

Un apprentissage ludique et chanté pour mieux connaître les milliardaires français. Délibérément l’écriture inclusive ne sera pas utilisée ici. On a d’abord appris que les millionnaires n’était pas notre problème Détail sur la composition d’un baril de pétrole :

  • le naphta pour les merdouilles et les cosmétiques
  • le kérozène (détaxé) pour les avions
  • le gaz (détaxé)
  • l’asphalte
  • le fioul Le problème, qui est plutôt une aubaine, des pétroliers… il faut tout utiliser. C’est peut-être la raison pour laquelle on construit des routes à n’en plus finir, on fait toujours voler des avions, et on fabrique des merdouilles en plastiques (que les gens stockent chez eux, pour que le cout du stockage du dérivé pétrolier n’incombe pas aux compagnies pétrolières).

Et donc tous les miliardaires français sont en lien, de près ou de loin avec cette composition : les armes, les routes, le pétrole, la vente de merdouilles, la vente de merdouilles de luxe, …

Avec son spectacle Audrey Vernon prend le contre-pied du documentaire “les sacrifiés de l’IA” : les milliardaires croient-ils vraiment en la promesse d’un futur utopique (long-termiste), où souhaitent-ils seulement accumuler le plus de richesses possibles pour être les derniers survivants d’un monde qui s’effondre ?

Intervention Juan Pablo Guttierez

autochtone de Colombie, du peuple yukpa, en risque imminent d’extinction à cause de la présence de mines de charbon, exhilé en France. Nous incite à nous rendre compte que notre normalité, nos modes de vie sont construis grâce à et sur l’exploitation et le colonialisme (qui a commencé au 16° siècle et qui persiste aujourd’hui) Il y a donc 2 faces au progrès que nous vivons :

  • la notre, la rhétorique du progrès (le narratif)
  • vs la logique du progrès faite d’oppression, de violence, d’apocalypse Le défi le plus grand est d’accepter qu’il y a d’autres significations du progrès, beaucoup plus adaptées à la réalité et à la vie qui nous entoure, ces autres significations du progrès ont toujours existé mais ont toujours été silenciées.

En plus d’être un mode de vie dont la face cachée de l’iceberg est mortifère, il nous faut nous rendre compte que notre mode de vie va à contresens de la survie de l’humanité sur terre, car nous vivons une époque critique avec l’effondrement de la biodiversité, le dérèglement climatique, la crise écologique et sociale. Aujourd’hui 4% de la population mondiale est constituée des peuples autochtones et est responsables des territoires qui recèlent 80% de la biodiversité. Le mode de vie des peuples autochtones semblent donc un bon horizon si on veut lutter contre la crise écologique et sociale actuelle. Juan Pablo Guttierez appelle à une véritable révolution au sein de nos sociétés occidentales pour adopter un mode de vie plus en adéquation avec les principes naturels. Pour lutter contre cette machine qui veut nous écraser, face à la gravité de la situation, au peu de temps qu’il reste et à l’absence de considération pour ces sujets de par les personnes qui décident :

  • il faut des actions, et non plus seulement des mots et de l’idéologie
  • il faut beaucoup de détermination
  • il faut une vision collective, et pas individualiste de notre rapport à l’autre

L’embargo sur le charbon russe, décidé comme sanction contre la guerre en Ukraine a eu pour conséquence une augmentation sans précédent de la demande sur le charbon de Colombie, et une pression encore plus grande sur les peuples autochtones. Sans remise en cause du paradigme dans lequel nous occidentaux vivons, le problème humain est seulement déplacé.

Cette conférence, nous permet de prendre le recul nécessaire pour dire que l’industrie du numérique est une industrie comme une autre, qui repose sur le colonialisme, l’extractivisme et la domination.

Intervention d’Agnès Co de Fairphone et discussions ensuite

Difficulté à avoir des employés Fairphone dans les usines chinoises pour faire respecter les demandes de Fairphone. Difficulté à se positionner comme entreprise contre l’IA pour convaincre au delà du cercle militant Difficulté d’exister en tant que meuf dans les métiers du développement, et aussi dans le milieu du logiciel libre, milieu qui n’a pas comme valeur principale l’inclusion ou l’intersectionnalité.

Intervention de Mathilde Pousséo de Éthique sur l’étiquette

Fait partie du réseau international GoodElectronics. S’occupe de tous les produits de consommations des vêtements aux composants numériques. Plus facile de faire de l’information grand publique sur les externalités négatives du cycle de vie des vêtements que sur celles des produits numériques. Selon elle c’est pour 2 raisons :

  • pour les gens l’électronique c’est trop compliqué
  • et surtout les gens qui sont possèdent les entreprises du numérique sont très puissants, ce qui limite le discours au sujet de ce qu’ils vendent

À toutes les étapes de la chaîne de production, partour dans le monde, il y a de la contestation de la part des populations locales.

La présence du collectif InfraBasse à ces 2 journées a permi d’avoir une base connaissance commune sur les conditions à toutes les étapes du cycle de vie des outils numérique, et sur les dynamiques structurelles et systémiques qui sont à l’oeuvre. C’est le point de départ pour proposer une méthode de mise en action pour la desescalade numérique.

D’autres ressources sur des sujets liés :da

  • VO, documentaire de Nicolas Gourault
  • Dans les limbes, documentaire de Antoine Viviani
  • Les travailleurs du clic, série documentaire de Antonio Cassili